Le projet de roman « Projet Daedalus » est le deuxième manuscrit complet que j’entreprends et est actuellement en cours d’écriture. Contrairement au projet précédent, celui-ci s’inscrit dans une démarche qui se veut la plus académique possible. Pour se faire, j’ai construit l’intrigue en suivant les principes d’un livre plutôt reconnu dans le monde créatif : L’anatomie du scénario (John Truby, 2017). Bien que conçu à la base pour l’écriture de scénario, comme son nom l’indique, ce dernier s’adapte très bien à l’écriture de manière générale et sa lecture m’a donc permis d’ériger un squelette solide pour mon deuxième manuscrit.

Si « Projet Daedalus » se veut beaucoup plus cadré en termes de structure, je ne voulais pas pour autant qu’il ressemble à une histoire que l’on aurait l’impression d’avoir déjà lu cent fois. C’est sûrement l’ambition de toute personne qui écrit quelque chose, mais j’ai l’espoir de croire que mon roman comporte une certaine part d’originalité. Cela restera toutefois à ses éventuels lecteurs d’en juger !

Pour résumer grossièrement, « Projet Daedalus » est l’histoire d’un lieutenant de police vivant sur une arche spatiale abritant les 10 000 derniers humains de l’univers. Parti plusieurs siècles plus tôt d’une Terre devenu inhabitable, ce vaisseau a vu de nombreuses générations vivre en son sein, dont le seul objectif était de permettre à l’Humanité de survivre pour que de futurs descendants puissent atteindre Proxima Centauri B, qu’ils pourront alors coloniser. Malheureusement pour le lieutenant, sa génération fait face aux plus gros problèmes que le vaisseau ait connu et ses actions pourraient jouer un rôle important dans le futur de l’espèce humaine.

Et afin de vous mettre encore un peu plus l’eau à la bouche, vous pouvez retrouver ci-dessous le premier chapitre. Bonne lecture !

Chapitre 1

L’effervescence qui régnait dans les rues et les coursives du septième pont-quartier réchauffait le cœur d’Oscar. Cela faisait bien trop longtemps que les passagers n’avaient pas paru si joyeux. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, petits ou grands, toutes celles et ceux qu’il croisait affichaient un grand sourire. Et s’ils n’avaient pas eu l’honneur d’être invités à la soirée de la commandante, contrairement à lui, ils allaient tout de même pouvoir profiter des célébrations grâce aux retransmissions prévues sur les grands écrans de leur cantine. Sans compter le délicieux festin qui semblait les attendre, à en juger par les doux parfums de vanille et de châtaignes grillées qui avaient émané des cuisines un peu plus tôt dans l’après-midi. La nuit s’annonçait tout simplement merveilleuse !

Après avoir grimpé quatre à quatre les immenses escaliers centraux jusqu’au pont-quartier supérieur, Oscar arriva avec le souffle un peu court à proximité du hall monumental dédié aux réceptions officielles. Il salua d’un signe de tête les gardes commandantiels placés de part et d’autre de la grande porte et pénétra à l’intérieur. Un joyeux brouhaha, auquel se mêlaient quelques notes de jazz s’échappant des hauts-parleurs géants fixés aux murs, régnait sur la salle. À vue de nez, il devait bien y avoir quatre cents personnes rassemblées là, dont de nombreuses têtes connues. Le capitaine de la police, Carlos, fut le premier à remarquer sa présence. Ce qui n’était pas vraiment surprenant étant donné que ce dernier faisait quinze centimètres de plus que tout le monde. Il murmura un mot à l’oreille de son mari, probablement pour s’excuser, avant de venir à rencontre.

— Tu as failli être en retard ! grogna-t-il de sa voix rauque.

— Désolé chef, je voulais profiter un peu de la bonne ambiance qui régnait au septième.

— Je vois. Pas d’incidents à signaler ?

— Pas que je sache. Les gens avaient l’air plutôt décontractés. On dirait que la commandante a fait le bon choix tout compte fait.
Une moue apparut sur le visage barré de rides du vieil homme.

— Tu sais mon cher Oscar, s’il y a bien une leçon que j’ai apprise au cours de ma longue carrière, c’est qu’il ne faut surtout pas crier victoire trop vite. La soirée va être encore très longue. D’autant plus qu’avec les tensions qui couvent actuellement, les choses peuvent très rapidement dégénérer. Et ce n’est pas avec nos effectifs éparpillés aux quatre coins de l’appareil que l’on peut espérer intervenir efficacement.

Une vision qui semblait pour le moins pessimiste.

— Tu t’inquiètes pour rien, affirma Oscar, il n’y a aucune raison de craindre des débordements. Les gens sont avec leur famille et leurs amis, ils ont juste envie de se changer les idées. Les petites querelles mesquines des uns et des autres peuvent bien attendre demain.
Le capitaine ouvrit la bouche, certainement pour répondre, mais il fut coupé dans son élan par un faible toussotement qui retentit au travers des enceintes.

Toutes les discussions alentour s’interrompirent aussitôt et l’ensemble des invités se rapprochèrent de la grande scène située à l’autre bout de la salle, une cinquantaine de mètres plus loin. La commandante Margaret se tenait debout face à un pupitre placé au milieu de l’estrade, sa chevelure blanche et bouclée brillant sous le feu des projecteurs. Elle balaya l’assemblée du regard, un grand sourire aux lèvres, puis fixa la caméra installée face à elle.

— Bonsoir mes amis, s’exclama-t-elle de sa voix chantante, c’est un véritable bonheur de vous savoir rassemblés un peu partout sur le vaisseau-monde ce soir ! Malgré les difficultés des dernières semaines et le grave danger auquel nous faisons face, j’ai été très émue d’apprendre que vous aviez été si nombreuses et nombreux à répondre à mon appel.
Une salve d’applaudissements s’éleva de la foule.

— Il faut dire que l’anniversaire que nous célébrons ce soir est loin d’être anodin, reprit la commandante.
Cela fait maintenant sept cents ans, jour pour jour, qu’une poignée d’hommes et de femmes aux origines aussi différentes que variées quittaient l’orbite de la Terre à bord de cette arche pour devenir la première génération de passagers de notre bien-aimé Daedalus. Et si je ne pense pas qu’il nécessaire de revenir ce soir sur les raisons qui ont forcé nos aïeuls à fuir la Terre, il me paraît toutefois important de rappeler, au vu de la situation actuelle, la mission absolument capitale qui nous incombe en tant que descendants de ces pionniers de l’espace.

Elle marqua une pause, l’air grave.

— Vous n’êtes pas sans savoir que prêts de dix milliards d’hommes, de femmes et d’enfants vivaient encore sur Terre quelques années avant le lancement de notre cher vaisseau-monde. Un nombre considérable, vertigineux même quand on le compare à la petite dizaine de milliers d’âmes que nous sommes aujourd’hui à bord. Et bien qu’aucun d’entre nous ne l’ait choisi, cela fait peser sur nos épaules une responsabilité incommensurable : celle de veiller à la pérennisation de notre espèce. Un fardeau d’autant plus lourd qu’il ne nous laisse pas le droit à l’erreur. Car nous n’avons pas d’autre choix que de survivre si nous voulons que le genre humain survive. À l’instar des générations qui nous ont précédés sur cette arche et au même titre que celles qui viendront après nous, nous devons tout faire pour maintenir le Daedalus à flot, afin que nos descendants puissent poursuivre ce voyage jusqu’à atteindre leur destination finale d’ici quelques siècles : Proxima Centauri b.

Pas un seul bruit ne se fit entendre dans la salle pendant que la commandante reprenait son souffle. Et il y avait fort à parier que le même silence solennel régnait sur les cantines des niveaux inférieurs.

— Si tout se passe bien et que nos héritiers parviennent à coloniser Centauri B comme prévu, des milliards d’êtres humains auront la chance de venir au monde dans les millénaires à venir, pour profiter à leur tour de cette magnifique aventure qu’est la vie. Mais si nous échouons, tout s’arrêtera du jour au lendemain. C’est particulièrement injuste n’est-ce pas ? Surtout quand on sait que nombre de ceux qui ont vécu sur Terre dans le passé n’ont cessé de détruire et de s’entretuer sans jamais se soucier de l’extinction de la race. Il s’agit pourtant bien du rôle ingrat que le destin a choisi de nous octroyer, sans nous laisser la moindre alternative. Et comme si cela ne suffisait pas de nous désigner comme les passeurs de ce témoin si fragile, la déesse de l’Histoire a en plus choisi de nous confronter à la plus grave menace que cet appareil ait connu depuis son lancement.

Il n’y avait effectivement aucun doute que si le choix s’était présenté, peu d’entre eux se seraient portés volontaires pour naître à cette époque de l’histoire de l’humanité. Les choses paraissaient bien plus simples dans les temps anciens, lorsqu’il était possible de profiter de toutes les ressources que la Terre avait à offrir avant qu’elle ne soit transformée en cocotte-minute géante par la cupidité de certains. La période actuelle possédait toutefois un certain charme aux yeux d’Oscar. Car il n’avait pas été donné l’opportunité à beaucoup de gens dans la longue histoire de l’Humanité de vivre une vie aussi fantastique que la leur, à voguer ainsi parmi les étoiles. Même s’il fallait admettre que leur route n’avait pas vraiment été des plus tranquilles ces derniers temps.

— Cela fait déjà cinq semaines depuis l’accident, poursuivit la commandante. Cinq semaines durant lesquelles la plupart d’entre vous a su se montrer à la hauteur de l’événement. Malgré la difficulté, malgré les privations, malgré les sombres perspectives, vous avez tenu bon. Et bien que, à mon grand regret, nous ne soyons pas encore tirés d’affaire, je tenais déjà à vous féliciter pour votre courage et votre abnégation.

Elle leur adressa un sourire.

— Les difficultés rencontrées dans les réparations nous obligent cependant à prolonger les restrictions. Il va donc falloir persévérer. Mais je n’ai aucun doute sur notre capacité collective à tenir bon jusqu’à ce que les choses reviennent enfin à la normale. Car que sont les petits tracas de chacun face à la sauvegarde de notre vaisseau-monde ? Que sont nos sacrifices face à la préservation de l’Humanité ? Rien ! Et je sais que je peux compter sur vous pour mettre l’intérêt de notre espèce au-dessus de tout. Ensemble, nous sommes forts. Ensemble, nous survivrons !

Un tonnerre d’acclamations émana aussitôt du public. L’espace d’un instant, le sol du grand hall parut même trembler légèrement tandis qu’une clameur semblait résonner dans le lointain. Était-ce l’écho provoqué par l’immensité de la salle ou le son des milliers de mains applaudissant à tout rompre dans les niveaux inférieurs ? Impossible de le dire avec certitude. Mais rien que d’imaginer l’entièreté des passagers unis dans la célébration de leur propre résilience suffit à faire couler une larme le long de la joue d’Oscar.

Son vibrant discours terminé, la commandante salua la foule d’un signe de la main puis elle quitta la scène.

— Il n’y a pas à dire, commenta Carlos, elle est douée.

— Oh que oui, acquiesça Oscar. On a vraiment beaucoup de chance de l’avoir. Quand on y pense, c’est quand même incroyable que certains passent leur temps à la critiquer alors que ça va déjà être la deuxième fois qu’elle nous sort du pétrin !

Un étrange rictus se dessina sur le visage du capitaine.

— Tu n’es pas d’accord avec moi ? interrogea Oscar.

— Une fois encore, ton optimisme à toute épreuve te fait aller un peu vite en besogne. La gestion de la commandante Margaret est parfaite pour l’instant, mais elle-même l’a dit, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant de pouvoir clore définitivement ce chapitre.

— Et tu ne la penses pas capable de tenir la distance ?

— Je n’ai jamais dit ça, au contraire ! Mais nous aurons tout le loisir de juger de sa réussite une fois que cette histoire sera bel et bien derrière nous. En attendant, notre devoir nous impose de rester vigilants. N’oublie pas que nous jouons un rôle crucial pour empêcher que les choses ne tournent mal. Nous ne pouvons nous permettre de baisser la garde ne serait-ce qu’une minute. Et c’est d’autant plus valable pour nous deux avec les responsabilités qui nous incombent en tant que capitaine et que lieutenant.

Oscar hocha la tête en signe d’approbation. Qu’il s’agisse de défaitisme ou de prudence, il était difficile de donner tort à son supérieur sur ce dernier point. Un seul instant de déconcentration pouvait suffire à ruiner tous leurs efforts.

— Tu as raison, répondit-il. Mais je peux te promettre que, aussi confiant puis-je être sur l’issue de cette crise, jamais je ne baisse la garde durant les heures de travail.

— C’est vrai que nous ne sommes pas en service ce soir, concéda Carlos en souriant. Et c’est sûrement une bonne chose qu’au moins un de nous deux soit capable de voir le verre à moitié plein. D’ailleurs, tu ferais mieux d’aller t’amuser avec les autres au lieu de rester traîner avec un vieillard aigri comme moi, je vais finir par te contaminer sinon.

— Si tu me le demandes si gentiment ! plaisanta Oscar.

Sacré Carlos ! Il lui adressa une petite tape sur l’épaule et s’éloigna en direction d’autres connaissances présentes dans le grand hall.
Sans grande surprise, les discussions suivantes tournèrent également autour de l’accident et de ses conséquences, qui occupaient évidemment tous les esprits. Mais, à l’inverse du capitaine et malgré les mots de la commandante, la plupart des personnes avec qui Oscar échangea durant la suite de la soirée estimaient que le plus dur était passé et que leurs vies ne tarderaient pas à revenir à la normale. Certains s’amusaient même à pronostiquer la date de fin des travaux, tandis que d’autres évoquaient déjà les projets auxquels ils prévoyaient de s’atteler dès la levée des différentes restrictions, le tout en profitant des délicieux mets et boissons proposés par les serveurs qui arpentaient la foule munis de leurs petits plateaux.

Les conversations se poursuivirent ainsi pendant une bonne heure, avant d’être interrompues par l’extinction de toutes les lumières de la salle, à l’exception de deux spots braqués sur la scène. Sous le feu de ces projecteurs, debout au centre de l’estrade, se tenait une femme à la peau sombre. Elle saisit le micro placé devant elle, prit une grande inspiration et se mit à chanter d’une magnifique voix cristalline, soutenue par le doux son d’un piano. Des petites poussières d’étoiles se mirent aussitôt à virevolter dans le ventre d’Oscar. Sa musique préférée ! Les paroles évoquaient avec habileté la fragilité de leur existence face à l’immensité du monde, à bord de ce colosse de métal voguant à pleine vitesse dans un océan d’astres tous plus éloignés les uns que les autres. Et nulle autre que Joséphine ne savait interpréter cette chanson avec une telle émotion. Ce n’était pas pour rien qu’elle était l’artiste la plus appréciée du vaisseau-monde. En plus d’être la plus belle femme de l’univers.

À la suite de cette entrée en matière tout en délicatesse, Joséphine poursuivit le concert par l’interprétation d’une dizaine de titres de son large répertoire, qui allait du rock au blues, en passant par de la pop. Puis, après avoir fait danser son public pendant près de trois quarts d’heure, elle saisit un violon et annonça qu’en guise de conclusion, elle allait jouer l’hymne de l’humanité. Sans surprise, l’ensemble des convives se joignirent immédiatement à elle en entonnant les paroles à plein poumons. La gorge d’Oscar se serra aussitôt. Entendre tous ces gens reprendre d’une seule voix cette belle chanson si lourde de sens était particulièrement émouvant, surtout au vu de la période difficile qu’ils étaient en train de traverser. Pour couronner le tout, les premières fusées d’un feu d’artifice apparurent dans le ciel étoilé, au travers de l’immense dôme vitré constituant le plafond de la salle quinze mètres au-dessus d’eux. La commandante avait vraiment mis les petits plats dans les grands afin de rendre cette soirée absolument inoubliable.

Les dernières notes de l’hymne résonnèrent dans la salle tandis que le bouquet final du petit feu d’artifice illuminait le plafond de verre de milles et une couleurs, puis la foule adressa une ovation aussi longue que méritée à Joséphine, qui les remercia chaleureusement avant de disparaître par la petite ouverture placée derrière la scène. Une vingtaine de minutes plus tard, le temps de terminer la discussion avec ses derniers interlocuteurs, Oscar l’imita. Plusieurs techniciens et techniciennes s’affairaient dans les coulisses, au milieu des câbles et du matériel audiovisuel plus ou moins bien rangé. Il les félicita pour le magnifique spectacle et poursuivit ensuite sa route jusqu’au petit escalier de service menant à l’étage des loges. La plus grande, où était habituellement installée Joséphine, se trouvait tout au fond. Mais alors qu’il s’avançait d’un pas décidé dans cette direction, des éclats de voix retentirent tout à coup derrière lui. Ils semblaient provenir de la plus petite loge, au début du couloir. Il fit demi-tour, revint à hauteur de la porte et colla son oreille contre le métal froid. Il y avait effectivement une conversation sacrément animée à l’intérieur, mais l’épaisseur du panneau empêchait de comprendre la teneur de la dispute.

Oscar hésita un instant. Fallait-il intervenir ? Être lieutenant de police ne lui donnait pas le droit de se mêler des affaires des autres. Mais peut-être qu’il se passait quelque chose de réellement problématique à l’intérieur ? Comment ferait-il pour se regarder dans une glace s’il ignorait la situation et qu’un drame survenait ? Le capitaine Carlos lui avait bien dit de rester vigilant. Et puis ce n’était pas comme si ces gens étaient dans une cabine privée. Oui, mieux valait en avoir le cœur net. Il frappa.

— Tout va bien ? cria-t-il.

Le silence se fit immédiatement. Quatre à cinq secondes s’écoulèrent ensuite sans que rien ne se passe, puis la porte s’ouvrit pour laisser apparaître un petit homme arborant une épaisse barbe noire.

— Bonsoir Charles, le salua Oscar, ça va ? J’ai cru entendre des cris.

— Très bien, répondit-il d’un ton sec, j’allais justement partir.

Et il le poussa sans ménagement pour se frayer un chemin en direction de l’escalier. Plutôt agressif comme comportement pour quelqu’un qui prétendait que tout allait pour le mieux !

Une fois le chef adjoint de la maintenance hors de vue, Oscar s’avança pour jeter un œil à l’intérieur de la cabine. Et ce qu’il vit faillit provoquer une attaque cardiaque. Nulle autre que la commandante Margaret occupait un des deux fauteuils placés au fond de la pièce.

— Bonsoir mon petit Oscar, lança-t-elle avec un sourire.

— Commandante Margaret, balbutia-t-il, je suis vraiment désolé de t’avoir dérangée. J’ai entendu une dispute et…
Elle leva la main pour l’interrompre.

— Ne t’inquiète pas, je comprends parfaitement. Surtout que les paroles du chef adjoint Charles ont du te sembler pour le moins étranges.

— Alors pour être tout à fait honnête, avec l’épaisseur de la porte, j’ai seulement entendu des cris étouffés sans discerner ce que vous étiez en train de vous dire.

La commandante eut un petit rire.

— Je vois. Ça explique que tu sois intervenu. Tu as eu raison d’ailleurs, on n’est jamais trop prudents, en particulier en ce moment. Mais je te rassure, il était simplement venu me servir les habituels reproches de la maintenance. Et même si le ton est monté un peu, il a su rester dans les limites de l’acceptable.

— Parfait, je ne t’importune pas plus longtemps dans ce cas, bonne fin de soirée !

— Merci, toi aussi !

Malgré les mots de la commandante, il était difficile de ne pas se sentir complètement stupide d’avoir ainsi fait irruption dans sa cabine. Cela dit, elle avait bien souligné que son intervention était justifiée, il restait donc assez raisonnable de supposer qu’elle avait fait preuve d’honnêteté en affirmant qu’il n’avait rien à se reprocher. C’était en tout cas ce qu’il fallait espérer !

Passé cet intermède farfelu, Oscar reprit son chemin en direction de la loge du fond du couloir, qu’il atteignit cette fois sans encombre. Il entra après avoir toqué et les effluves caractéristiques de roses et de jasmin qui composaient le parfum de Joséphine vinrent immédiatement lui chatouiller les narines. Assise face au grand miroir surplombant la coiffeuse, la belle chanteuse était en train de se délester des derniers restes de son maquillage.

— Bravo mon amour, s’exclama-t-il en la prenant dans ses bras, tu as été fantastique.

— Merci beaucoup mon chéri, répondit-elle d’une voix douce. Ça fait tellement de bien de remonter sur scène !

— Tu m’étonnes. Tu n’as pas perdu la main en tout cas, tu arrives toujours à me faire verser une petite larme avec ton interprétation de l’hymne de l’humanité.

Elle s’arrêta un instant et le fixa tendrement de ses beaux yeux verts.

— Je dois avouer que moi aussi ça m’a fait un petit quelque chose d’entendre tout ce monde reprendre les paroles en chœur. Cette chanson a vraiment quelque chose de spécial.

— Ça c’est sûr. Et quand on pense qu’elle a été créée il y a quasiment mille ans, c’est vraiment fou.

— Oui. Celle qui l’a écrite devait être loin de se douter de ce que la destinée réservait à cette petite chanson écrite pour son amant.

— Tu ne veux pas en écrire une pour moi ? plaisanta Oscar. Peut-être qu’elle pourrait devenir l’hymne de Centauri B d’ici quelques siècles. Ton nom demeurerait gravé à jamais dans l’Histoire.

— Étant donné que l’homme dans la chanson est mort quelques mois plus tard, je ne suis pas sûre que…

Le bruit de quelqu’un qui frappait à la porte coupa Joséphine en plein milieu de sa phrase. Cela n’avait rien de surprenant, il n’était pas rare que différentes personnes viennent la féliciter dans sa loge après une prestation. Sauf qu’en ouvrant la porte, Oscar tomba sur un de ses collègues policiers, le visage fermé.

— Il y a un problème ? interrogea Oscar.

— Je te cherchais. Le capitaine Carlos a appelé, il a besoin que tu le rejoignes au plus vite dans le bureau des ingénieurs.

— Quelque chose de grave ? s’inquiéta Joséphine.

— Je ne sais pas, avoua l’homme, il ne m’a rien dit de plus.

Mais par les temps qui couraient, il fallait bien admettre cela n’augurait rien de bon.

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